À nouveau, un silence pesant s'était installé dans la pièce. Isabelle ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Pourtant elle avait prit sa décision et ne comptait pas revenir dessus. Son choix s'était arrêté. Encore fallait-il en faire part à Philippe qui attendait patiemment qu'elle s'exprime. Enfin allait il connaitre le résultat de toutes ces années d'attente, de patience et d'espoir. Allaient-elles être récompensées ?
- J'ai pensé que... commença Isabelle avant de marquer une nouvelle pause.
Philippe ne pu contenir un sourire :
- Heureusement que je ne suis pas cardiaque... Tu sais que tu me fais tourner en bourrique ? lui dit-il.
Isabelle sourit à son tour :
- Je vais faire vite alors.
Philippe hocha la tête et sentit qu'elle serrait sa main un peu plus fort dans la sienne. Il vit dans ce geste un bon présage.
- Alors voilà, j'ai pensé que, si tu es toujours d'accord bien sûr, on pourrait... essayer tous les deux.
Philippe poussa un soupir de soulagement et se sentit soudain pris d'une émotion violente : il était heureux. Il allait prendre la parole, mais déjà Isabelle poursuivait :
- J'aimerais qu'on reste le plus discret possible, reconnut-elle. Au début, du moins. Le temps de voir si... si ça marche entre nous.
- C'est comme ça que je l'entendais, affirma Philippe.
Gênée, Isabelle baissa la tête. Elle qui d'habitude n'avait pas froid aux yeux, se révélait timide, et peinait à soutenir son regard.
- Ça va ? lui demanda doucement Philippe.
Connaissant son besoin d'indépendance, il pouvait aisément se douter que la décision qu'elle venait de prendre n'avait pas du être facile. Mais Isabelle releva la tête, le sourire aux lèvres.
- Très bien, répondit-elle, sincère.
Dans les bras de Philippe, Isabelle luttait pour ne pas s'endormir. Elle aurait souhaiter rester toute la nuit ainsi tant elle était bien, mais savait qu'elle s'était déjà absentée trop longtemps. Son départ si soudain ne devait pas être passé inaperçu et peut-être la cherchait on même déjà. C'est donc à contrec½ur qu'elle se redressa.
- Il faut que je parte... glissa-t-elle à l'oreille de Philippe.
Il relâcha son étreinte et se leva pour la raccompagner jusqu'à la porte.
- J'aurais aimé rester plus longtemps, lui confia-t-elle en se rendant compte que lui aussi était déçu.
Il sourit :
- Des nuits on en a encore beaucoup devant nous.
- Ce n'est que partie remise alors, rit-elle en se passant la main dans les cheveux.
Il hocha doucement la tête, l'embrassa une dernière fois, puis la regarda disparaitre en silence dans l'obscurité du couloir. Il aurait tellement voulu la retenir et pourtant il la laissait partir.
Entre son travail, le départ d'Hervé pour la Guadeloupe et l'installation de Nicolas dans un studio en ville, Isabelle ne vit pas passer les trois jours qui suivirent. Elle croisa certes Philippe à plusieurs reprises au détour d'un couloir ou lors de courts rassemblements avec l'équipe, mais elle n'eut sans cela quasiment aucun moment à lui consacrer.
- Isabelle, je peux vous voir un instant ? lui demanda-t-il un mardi matin où elle se trouvait seule au labo avec Platon.
Elle remercia son collègue pour les informations précieuses qu'il venait une fois de plus de lui apporter et suivit Philippe dans la pièce voisine.
- Comment ça va ? lui demanda-t-il en posant sa main sur son épaule.
- Je crois que je vais enfin avoir un peu de temps pour moi, soupira-t-elle.
Philippe lui répondit par un sourire.
- Pour nous, rectifia-t-elle en plongeant son regard dans le sien.
Il en profita pour l'inviter au restaurant le soir même.
- Rendez-vous à 19 heures dans la cour, conclut-il avant de repartir vaquer à ses occupations.
Isabelle, quant à elle, était remontée chez elle pour se changer. Elle trouva Chloé dans sa chambre, en train de faire ses valises. Son professeur d'anglais avait décidé d'emmener sa classe passer une semaine à Londres. Rien de mieux pour enfin pouvoir mettre en application tout ce qu'ils avaient appris pendant l'année, avait-t-il dit. Chloé avait dû marchander pour se retrouver dans la même famille d'accueil que sa meilleure amie et avait obtenu gain de cause. Ravie, la jeune fille était impatiente de quitter Grasse et d'atterrir sur le sol anglais.
- Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda Isabelle en la regardant sortir une pile de T-Shirt de l'armoire.
- Je prépare mes affaires.
- Et je peux savoir pourquoi ?
Le visage de Chloé se décomposa :
- Tu as déjà oublié ? Je pars en Angleterre demain...
Isabelle se frappa le front :
- Mais bien sûr ! Où avais-je la tête ! Excuse-moi ma puce.
Celle-ci lui adressa un sourire et Isabelle comprit qu'elle était pardonnée.
- Tu as besoin d'aide ? demanda-t-elle en regardant Chloé s'assoir sur sa valise pour essayer de la fermer.
- Hmm... Pourquoi pas, répondit-elle songeuse.
À deux la tâche fut plus facile et il ne leur fallu que quelques minutes pour boucler tous les bagages.
- On ne peut pas dire que tu voyages léger, se moqua Isabelle. Tu as vraiment besoin de tous ces habits ?
Chloé hocha la tête, puis changea de sujet :
- Il y a encore des biscuits au chocolat dans le placard ?
Quelques minutes plus tard, elles grignotaient dans la salle à manger. Isabelle jugea que le moment était opportun pour se confier à Chloé. Il fallait qu'elle lui parle de Philippe, elle n'avait pas le droit de lui cacher plus longtemps. Non seulement elle finirait par apprendre leur liaison d'une manière ou d'une autre, mais n'apprécierait certainement pas de ne pas avoir été mise dans la confidence.
«Il ne reste plus qu'à trouver les mots... Et prier pour qu'elle le prenne du mieux possible» pensa Isabelle qui appréhendait quelque peu la réaction de la jeune fille.
- Chloé... commença-t-elle.
Celle-ci l'interrogea du regard ce qui incita son interlocutrice à poursuivre:
- Je voulais te dire que...
À nouveau, elle buta et s'arrêta comme coupée net dans son élan.
- Quoi ? Que t'as un mec ? demanda Chloé le plus naturellement du monde.
Isabelle n'en cru pas ses oreilles :
- Comment tu le sais ?
Elle sourit avec fierté :
- J'en étais sûre ! Je suis contente pour Philippe, il était tellement malheureux quand tu étais à l'hôpital, tu sais.
Isabelle sourit faiblement et serra Chloé dans ses bras :
- Tu m'écriras quand tu seras en Angleterre ?
- Promis.
Isabelle était redescendue travailler dans son bureau. Il allait encore falloir annoncer la nouvelle à Nicolas quand elle irait le voir le lendemain et elle redoutait ce moment. Peut-être comme Chloé s'en doutait-il lui aussi ? Avec son fils, Isabelle ne s'était jamais vraiment étendue sur sa vie amoureuse. Enfant et puis plus tard adolescent, Nicolas aurait-il apprécié que sa mère partagea sa vie avec un autre homme que son père ? Comment aurait-il réagit si elle avait pris cette décision à l'époque où il vivait encore sous son toit ? Et comment réagirait-il aujourd'hui ? Isabelle n'en avait pas la moindre idée. Nicolas avait toujours été facile à vivre, mais arriverait-il à se réjouir de cette nouvelle ? Isabelle soupira et se replongea dans son dossier.
Sur le coup de dix-neuf heures , elle se rendit dans la cour. Philippe était déjà là et l'attendait.
- Où est-ce que tu m'emmènes ? demanda-t-elle en le rejoignant.
Quelques minutes plus tard, ils franchissaient le pas d'un grand restaurant étoilé. Ils commandèrent une bouteille de champagne et burent à l'avenir. Nappe blanche, fleurs fraîches et bougies, les tables étaient magnifiquement dressées. La lumière tamisée et la douce musique qui s'échappait des hauts-parleurs rendait l'atmosphère encore plus chaleureuse. Quand ils quittèrent le restaurant après un délicieux dîner, ils décidèrent de faire quelques pas avant de rentrer. C'est ainsi que, main dans la main, ils marchèrent joyeusement dans les rues de Grasse. Ici au moins ils n'avaient pas besoin de se cacher. Quand Philippe alla lui chercher une glace, elle vit la vendeuse qui lui faisait du charme, mais n'y prêta pas attention. «Rien ne peut venir gâcher cette soirée» pensa-t-elle. Lorsqu'il revint avec les deux cornets, tous deux reprirent tranquillement leur chemin.
Pourquoi s'être privée de ce plaisir si doux durant toutes ces années ? Elle tourna la tête vers Philippe et lui adressa son plus beau sourire.
La nuit était déjà tombée lorsqu'ils regagnèrent la caserne. Fatigués de leur promenade, ils baillèrent simultanément, ce qui leur décrocha un sourire.
- Je peux venir dormir chez toi ? demanda-t-elle timidement alors qu'ils montaient l'escalier.
- Avec plaisir. Mais que vas-tu dire à Chloé quand elle va voir que tu as découché ? dit Philippe en riant.
Isabelle haussa les épaules :
- Je ne sais pas encore. Que je me suis fait kidnappée, plaisanta-t-elle.
- Je ne suis pas qu'elle se satisfasse de cette explication, sourit-il.
- Tant pis.
- Tu me prêtes une chemise ? lui demanda Isabelle une fois dans l'appartement en s'apercevant qu'elle n'avait pas son pyjama.
Philippe ouvrit la penderie et hésita :
- Blanche, noire, ble... ?
- Comme tu veux, l'interrompit-elle. Enfin non, donne moi la blanche rayée, là, à droite.
Philippe sourit en l'enlevant de son cintre. C'était sa chemise préférée et Isabelle le savait.
- Tiens ! cria-t-il en la lui lançant.
Elle l'attrapa au vol.
- Merci, dit-elle avant de disparaître dans la salle de bain.
Lorsqu'elle en sortit quelques minutes plus tard, Philippe la trouva resplendissante. Ses cheveux encore humides tombaient sur ses épaules, mouillant le col de sa chemise.
- Elle te va mieux qu'à moi, tu pourras la garder, dit-il en lui caressant la joue du bout des doigts.
- Je...
- Ça me fait plaisir, insista Philippe pour lui montrer que la conversation était close. Je vais prendre une douche, je me dépêche.
Isabelle le regarda s'éloigner en souriant.
- Je suis prêt ! claironna Philippe en sortant de la salle de bain.
Il se dirigea vers la chambre à coucher, étonné qu'Isabelle ne réagisse pas. Il la découvrit allongée sur le lit, les jambes repliées sur elle même. Elle s'était assoupie. Le sourire aux lèvres, il se saisit d'un drap dont il la recouvrit délicatement et vint se coucher auprès d'elle. Comme fasciné, il la regarda dormir de longues minutes avant d'éteindre la lumière et d'à son tour sombrer dans le sommeil.
C'est la lumière du jour qui le réveilla. Philippe ouvrit les yeux, mais, ébloui, les referma aussitôt.
- Bonjour, chuchota Isabelle qui avait observé la scène.
Il sursauta, surpris d'entendre sa voix, puis un à un les souvenirs de la veille lui revinrent en mémoire.
- Je t'ai fait peur ?
- J'ai perdu l'habitude de me réveiller à côté de toi. J'avais oublié à quel point c'était agréable, se justifia-t-il en l'embrassant.
Elle ferma les yeux, laissant sa main passer sous sa chemise et parcourir son dos.
L'heure de se préparer pour aller travailler arriva trop rapidement. À regret, ils se hissèrent hors du lit, prirent un rapide petit-déjeuner et enfilèrent leurs uniformes.
- La voie est libre, dit Philippe en passant la tête dans l'entrebâillement de la porte.
Isabelle laissa échapper un petit rire.
- Je descends, tu attends deux minutes et tu me rejoins, d'accord ? dit-elle, amusée par la situation.
- À vos ordres Lieutenant, se moqua gentiment Philippe en la poussant à l'extérieur.
- Bonjour les garçons ! lança Isabelle en pénétrant dans le bureau dans lequel se trouvaient déjà Rivière, Roussillon et deux autres gendarmes.
- Bonjour, répondirent-ils en ch½ur.
- On vient de nous apprendre un accident sur la D29. Il s'agirait d'un sabotage, annonça Rivière.
- Vous avez envoyé une équipe sur les lieux ? s'enquit-elle.
- Oui, mais ça m'a l'air sérieux, je vais peut-être aller voir si vous n'avez pas besoin de moi.
- Très bien. Tenez-moi simplement au courant quand vous en saurez davantage.
Rivière hocha la tête et partit, laissant Isabelle et Roussillon s'occuper d'une autre enquête en cours.
Vers dix-heures Philippe allait quitter son bureau pour aller chercher un café lorsqu'un petit bout de papier attira son attention. Il était posé à l'évidence sur un classeur, mais il le remarquait pourtant seulement. Intrigué, il fit quelques pas en arrière pour le saisir. Sur une feuille déchirée à la hâte, Philippe reconnu l'écriture d'Isabelle. «Merci pour cette belle soirée. Je t'aime.» Ces quelques mots suffirent à le faire rougir de plaisir. À son tour il s'empara d'un bloc-note, en arracha une page et, munit d'un crayon à papier, y griffonna quelque chose. Puis, satisfait, il glissa le papier dans une enveloppe qu'il cacheta et se rendit à l'accueil :
- Pourriez-vous transmettre ceci au Lieutenant Florent dès que vous la verrez ? C'est urgent.
Julia s'empara de la lettre et la posa dans un coin :
- Ce sera fait, mon Capitaine
Isabelle avait pris sa voiture pour conduire Chloé au lieu de rendez-vous avec sa classe.
- Alors, prête pour le grand voyage ?
La jeune fille approuva. Elle était tellement excitée à l'idée de partir pour l'Angleterre qu'elle avait du mal à tenir en place.
- Tu vas me manquer, avoua Isabelle avant que Chloé n'entre dans le bus.
- Toi aussi. Ne profite pas de mon absence pour faire des bêtises avec Philippe, hein ? plaisanta-t-elle.
Isabelle sourit :
- File, le bus va partir sans toi !
Pendant ce temps, Rivière pénétra dans la gendarmerie et entendit Julia, la jeune stagiaire de l'accueil, l'interpeller :
- Mon Adjudant !
Rivière alla sa rencontre.
- Votre femme est passée tout à l'heure. Elle m'a dit de vous dire qu'elle ne rentrerait pas avant vingt heures et m'a donné ceci pour vous.
Julia se pencha pour attraper une enveloppe qu'elle lui tendit.
- Merci, murmura Rivière qui avait convenu avec Christine plus tôt dans la journée qu'elle lui laisserait à l'accueil un numéro de téléphone dont il avait besoin.
Pourtant, à son plus grand étonnement, ce n'est pas un numéro de téléphone qu'il trouva une fois l'enveloppe décachetée. Ce qu'il y découvrit lui parut nettement plus intéressant. Sur une feuille de papier déchirée, il reconnut l'écriture du Capitaine. «On remet ça dès que tu peux, c'est toujours un plaisir. Je t'aime.» Un large sourire apparut sur le visage de Rivière, ses yeux se mirent à briller. Julia avait de toute évidence intervertit les deux enveloppes et il était ainsi malgré lui tombé sur un mot des plus explicites. Pour lui, il ne faisait aucun doute quant à son destinataire. Lorsqu'il releva la tête, il aperçut justement Isabelle qui sortait de sa voiture et se dirigeait droit vers lui. Que faire ? Lui remettre l'enveloppe le sourire aux lèvres ne s'apparenterait-il pas à de la provocation pure et simple ?
- Ça ne va pas Francis ? demanda-t-elle une fois à sa hauteur.
- Si, si, ça va, bafouilla-t-il.
- Vous êtes sûr ? Vous me paraissez soucieux.
- Eh bien c'est à dire que... C'est assez délicat.
- Je vous écoute, sourit Isabelle.
Rivière prit une profonde inspiration.
- Vous allez rire, commença-t-il.
Petite remarque personnelle :
Et voilà ! Je viens de faire ce que je m'étais jusqu'à présent refusée de faire : mettre Isabelle et Philippe ensemble ! J'ai retardé le moment comme j'ai pu, mais bon... Ça devait bien arriver un jour ou l'autre par la force des choses je suppose :D
Bref, j'ai déjà commencé le chapitre suivant et il devrait être en ligne dans peu de temps normalement, avec de nouvelles péripéties ! Toujours est-il que ce sera un des deniers chapitres que je mettrai en ligne, car à partir de septembre, je ne trouverai probablement plus le temps d'écrire. C'est pour ça que j'en viens à vous demander votre avis : est-ce que j'écris un chapitre qui marquera la fin définitive de ma fiction (avec un «happy end» bien sûr !) ou est-ce que je laisse plutôt mon histoire inachevée pour la continuer quand je trouverai le temps si je le trouve ?
Bonne journée ♡
une-femme-d-honneur-isa, Posté le jeudi 27 août 2015 09:52
j'ai peur de ce que va annoncer rivière !